Un Amour Maudit
- Le Juif
- Jul 1, 2023
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Nous sommes Mercredi 6/Décembre, il est 18 heures vingt minutes, il pleut abondamment sur Bukavu depuis ce matin. Didier n’est pas allé à la faculté aujourd’hui, ils n’ont pas cours depuis une semaine déjà, car l’enseignant de logique informatique est encore retenu à Abidjan, il était attendu aujourd’hui mais le chef de promotion n’a encore rien publier dans le groupe whatsapp, donc il n’y a pas encore du nouveau…
Il a passé presque toute la journée, entrain de suivre la saison trois de la série des Vikings, qu’il adorait… Maintenant il était depuis deux heures allongé sur son lit, l’odeur de poulet au riz montait de la cuisine et arrosait agréablement sa chambre où il était très concentré sur son téléphone, les écouteurs aux oreilles, il suivait les derniers tubes congolais sur le marché et s’était figé sur le concert de Fally dans le U Aréna où il venait de faire le record de quarante mille spectateurs… il avait fallu que sa sœur le secoue pour qu’il sorte de sa torpeur : « la nourriture est prête » lui cria-t-elle. Il enleva ses écouteurs avec une lenteur irritante, leva ses yeux doux perdus dans les cils et les sourcils mystérieux sur sa sœur qui contemplait tendrement, ce frère de dix-neuf ans qui l’envoutait et la troublait avec ce regard qui vous désarmait et vous noyait dans le l’océan de ses yeux mystérieux, son nez était pointu comme une provocation et se voyait de profile comme un angle aigu, ses joues étaient lisse et sans dénivellation sur des lèvres presque moqueurs, son menton était coupé en deux avec une fossette au milieu, il avait un teint ferme comme la coquille d’un œuf.
Didier était beau comme un dieu grec… Il parlait avec réserve, il souriait comme un rayon de soleil après la pluie et son charme se rependait comme un parfum de rose. Il vivait dans une famille de la classe qu’on pouvait estimer moyenne et n’avait rien à envier aux riches, au fond il les plaignait même il les trouvait emprisonnés par l’artificiel et les artifices qui les empêchaient de vivre pleinement leurs vies, il trouvait que la comparaison, la concurrence et la jalousie ruinaient leur bien-être, leur joie de vivre, leur liberté… Au fond ils dissimulent leurs malheurs sous les biens matériels, pour donner une image qui ressemble au bonheur, leur font très peur. Contrairement aux pauvres qui n’ont rien à perdre mais tout à espérer, qu’un jour le changement viendra et changera certainement le cours de leur existence, il n’était ni dans une ou l’autre, il se considérait en équilibre… On ne lui connaissait pas d’histoires avec les filles, il ne trainait pas non plus avec les fêtards et les amis des orgies, ses relations se limitaient à l’église, la faculté et le Basketball, ce sport le rendait vraiment épanoui et ouvert, c’est parmi les rares moment où il se sent vraiment lui-même.
Son père s’était absenté de toute la journée, il est allé très taux à l’église dans une réunion qui devait réunir tous les anciens de l’église pour trancher sur le remplacement du pasteur titulaire qui venait d’être excommunié pour adultère avec la femme d’un autre pasteur et d’avoir engrosser une fille de la chorale, on dit aussi qu’il bénissait physiquement, chaque nouvelle mariée dans son bureau, avant le jour du mariage… ce qui constituait un péché grave et impardonnable pour un pasteur…
Didier trouvait beaucoup d’hypocrisie, de confusion et de contradictions dans toutes ces religions qui commençaient d’abord par culpabiliser la conscience de leurs fidèle avec un supposé péché originel dont ils souffrirons dans des tourments éternels, s’il ne veulent pas se repentir d’un péché qu’ils n’avaient même pas commis, en plus on les accablaient de toute sorte d’obligation envers un Dieu unique et invisible à qui ils doivent, tout leur bien-être, contre un méchant Satan, responsable de tous les malheurs qui leur arrive et là aussi c’est en partie leur faute à cause de leur péchés qu’ils ne veulent pas abandonnés, voir même des liens noués avant notre naissance entre les ancêtres et les démons qui nous empêchent d’évoluer, tout cela pour exiger une perfection qu’ils savent impossible pour obtenir un bonheur tout aussi impossible sur terre mais qu’ils vivront après la mort…
Quelle absurdité largement accepté et considéré comme unique vérité, alors que pour lui, le bien et le mal se complètent parfaitement pour exprimer l’équilibre de la vie, qu’il n’existe pas et n’existera jamais le bien uniquement ça perdra son sens, ni le mal uniquement, ça ne fera plus mal ce serait de la routine, mais l’équilibre entre les deux constitue, le véritable moi. Qu’il ne faut pas toujours attendre le bien, ni se désespérer toujours du malheur qui nous visite, tout fini toujours par s’équilibrer. Mais ici ce n’est pas le cas, il faut cacher, voir nier ses vrais sentiments et faire comme semblant de respecter les dix commandements et éviter en même temps les péchés impardonnables comme l’ivresse et le sexe…
Et s’il fallait parler du sexe, c’est un sujet qu’on préféraient toujours laisser dans le flou, car trop sensible pour une société emprisonnée encore dans les interdits de la coutume et la tradition, pour exemple on ne parle jamais dans une famille à Bukavu des règles menstruelles, comme on parle de la politique, on ne parle jamais des rêves érotique, on ne pose jamais la question de la masturbation etcetera, et oser, voir même penser à haute voix sur l’homosexualité relèverai d’un sacrilège impardonnable. Ainsi donc dans notre société, le téléphone portable avait peu à peu reçut donc, la responsabilité d’éduquer sexuellement la jeunesse avec tous les dérapages qu’on lui connait.
Ils étaient donc à table avec son père, sa mère, sa tante maternelle et sa cousine et ses deux sœurs en tout sept personnes… Personne ne soupçonnait, toutes ces pensées qui s’entrechoquaient dans sa tête alors qu’il se servait cette aile de poulet sur son plat de riz qu’il arrosait avec cette sauce pimentée, plein d’oignons et de tomate parfumée de sellerie comme savait le faire seulement sa mère au monde. Il fut désigné pour faire la prière de grâce et c’est pendant le repas que son père annonça presque triomphalement que c’est lui qui venait d’être nommé par Dieu et les anciens comme pasteur titulaire, il s’attarda longtemps sur des bavures et d’innombrables péchés cachés de son prédécesseur avant d’entamer des longues leçons sur la chrétienté et la conduite morale de l’église et de la famille… il était loin de s’imaginer comme tout le monde sur cette table même sa mère, personne ne s’imaginait que la flamme de son amour brillait fortement et qu’il était follement amoureux de Fabrice le meneur de jeu de l’Olympic Basketball Club de Ciriri avec qui il sortait depuis six mois et que sans lui il se sentait vide et perdu, qu’il était prêt à tout pour lui, qu’il était sa vie, son âme, son avenir, qu’un simple regard de sa part avait le pouvoir de le rendre malade ou de le guérir et que toutes ses rivières de tendresse débordaient et coulaient vers lui pour quémander rien que son sourire et qu’il lui demandait pardon de l’avoir offensé dans ses rêves.
Il était véritablement amoureux, mais il était obligé par la société de cacher, de nier ses sentiments les plus profonds, voir critiquer hypocritement en publique les personnes qui éprouveraient les sentiments comme les siens, comme tout le monde le faisait, il devrait vivre sa passion en cachette, même si cela lui coutait sa joie de vivre. Il fuyait les soupçons dont il était déjà victime car les exclamations presque désagréable à son passage ainsi que les critiques étouffées à son arrivée, disaient déjà quelque chose sur sa réputation à la faculté, on le soupçonnait mais personne n’avait le courage de lui poser la question car cela ressemblerait à une provocation, une atteinte à la personnalité, voir même une injure publique, car c’était tout simplement inimaginable qu’un garçon comme lui, chrétien, fils d’un pasteur respectable et respecté dans la communauté, être déclaré pédé dans cette ville de Bukavu serait un scandale innommable, inqualifiable, encore que son père venait d’être nommé pasteur titulaire de l’une des églises protestante les plus fréquentées de la ville et connu pour la délivrance de l’emprise des démons…
Pour lui tout cela comptaient peu, tout ce qui comptait pour lui c’était l’amour qu’il avait pour Fabrice, il était prêt à blesser tout le monde pour lui, mais lui ne le voulait pas… il disait que leur amour n’avait pas besoin d’être crié sur le toit pour être véritable, qu’ils pouvaient vivre leur passion sans être obligé de blesser leurs entourages, d’ailleurs combien de couple bien qu’hétérosexuels blessaient ou provoquaient la jalousie de leurs entourages tout simplement parce qu’ils étaient en couple et qu’ils vivaient leurs amours librement, à combien plus forte raison un couple aussi originale comme le leur dans une société accrochée aux coutumes et traditions d’une autre époque ne susciterait des commérages, mine de rien l’amour est rare à notre époque et la société a toujours eu cette vilaine habitude de s’accrocher à ses vieille habitude par crainte du changements, qu’il fallait au moins soigner les apparences et se rencontrer clandestinement avec d’autres homosexuels dans des groupes organisés en cachette comme des occultistes enfin de partager pleinement leurs pensées profondes, leurs critique sociale sur l’amour, le mariage, le divorce, le célibat, la vieillesse et la mort, bref une société dans la société à l’abris des hostilités, tout en essayant d’aider d’autres homosexuels en difficulté d’être accepté comme tels…
A la fin du repas, comme tout le monde parlait sur le sujet abordé par son père depuis le début, il demanda à son père s’il connaissait bien l’histoire de la femme prise en flagrant délit d’adultère qu’on avait amené à Jésus pour qu’elle soit lapidée, son père lui répondit en narrant toute l’histoire à la fin, puis il dit à son père : « Père et si au lieu d’une femme on avait amené un homosexuel à Jésus-Christ, tu penses qu’il aurait ordonné qu’il soit lapidé ?! Ah ! NON ! Absolument pas, le Christ aurait dit exactement la même chose. Que celui qui est sans péché soit le premier à lui jeter la pierre compléta-il. Alors pourquoi les églises d’aujourd’hui condamnent ce que le Christ lui-même aurait toléré ! Est-ce pour préserver les offrandes ? Non, les homosexuels sont des maudits et ils iront tous en enfer et l’un de ma famille qui en sera un ou sympathiserait même avec eux, je l’accompagnerai moi-même jusqu’à la porte du Diable… Ça je le dis, très sérieusement fiston… Ce dernier mot sonnait comme une menace à peine voilée.
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